Homélie du 4e dimanche ordinaire de l'année B
Frères et soeurs, quelle conception avons-nous de Dieu ? Comment entrevoyons-nous Dieu ? Car la réponse à cette question fondamentale réorientera surement notre vie spirituelle, notre relation en Dieu.
En effet, pour beaucoup, Dieu est trop loin pour se sentir concerné par les problèmes humains sur la terre, comme a dû le penser aussi l'auteur du psaume 115 qui disait « à Dieu le ciel, aux hommes il a laissé la terre ». D'ailleurs en Afrique,certains contes nous disent que c'est pour avoir reçu des coups de pilon des femmes qui pilaient le mil et le foutou que Dieu s'est à jamais éloigné de l'homme. Dès lors, pour l'Africain, Dieu étant devenu inaccessible et même terrible, il faut passer par des intermédiaires que sont les génies pour apaiser sa colère ou obtenir de lui une grâce.
Frères et soeurs, cette conception de Dieu a été aussi à un moment donné de l'histoire celle du peuple d’Israël. Et c'est cela qui ressort dans la 1ere lecture lorsqu'Israël dit « Je ne veux plus entendre la voix du Seigneur mon Dieu, je ne veux plus voir cette grande flamme, je ne veux pas mourir ». Ainsi dans la pensée juive d'alors, on ne peut pas voir Dieu et ne pas mourir car Dieu est un dieu terrifiant. La conséquence de cette conception est que la relation d'Israël à Dieu était basée sur la crainte. C'était une relation de l'esclave vis-à-vis de son maître alors que Dieu a voulu se choisir un peuple libre.
Pour donc manifester à son peuple qu'il n'est ni un dieu lointain, encore moins un dieu terrifiant, le Seigneur dira par la bouche de Moïse « je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète comme toi ; je mettrai dans sa bouche mes paroles »
Ce prophète annoncé, saint Marc dans son évangile, nous le montre en la personne de Jésus. Plus qu'un prophète, cet homme est aussi Emmanuel, Dieu au milieu de son peuple. Dieu, par Jésus, vient donc habiter notre terre pour que l'homme comprenne que Dieu n'a jamais été loin de lui. Et comme dans le jardin d'Eden, il se plait à être son compagnon, son familier.
Bien plus, l'homme n'a pas à avoir peur de Dieu parce que Dieu est son Père. Les israélites pensaient qu'approcher Dieu avait pour conséquence la mort mais Jésus montre plutôt qu'approcher Dieu procure la vie. Celui qui devrait donc avoir une bonne raison de craindre Dieu ce doit être le diable et non l'homme. Et c'est cela que nous voyons dans l'évangile. Pendant que les malades recouvrent la santé en Jésus et que sa parole leur redonne vie et espérance, les esprits mauvais comprennent que leur temps de règne est fini et s'alarment: « Que nous veux-tu Jésus de Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? »
Oui, frères et sœurs, quand Dieu passe, le diable trépasse et l'homme se surpasse. Dieu ne s'en prend jamais à l'homme mais plutôt à Satan. C'est pour cela que dire que Dieu ne nous aime pas est faux car Dieu est un ami et non un ennemi, un père et non un tyran, un associé et non un employeur.
Nous chrétiens devions donc changer notre regard sur Dieu, notre manière de le concevoir. Car beaucoup de chrétiens, malheureusement, ont encore peur de Dieu au point où ils ne veulent jamais rentrer en contact direct avec lui.Toute leur vie spirituelle ne tourne qu'autour de la dévotion aux saints. Ils ne jurent que par les saints. Cette attitude révèle cette conception africaine du dieu inaccessible. Les saints deviennent alors comme les génies africains par lesquels il faut toujours passer pour avoir des grâces.
Cette conception de Dieu se voit aussi dans les noms que nous utilisons dans nos prières. Jésus nous a dit : « quand vous priez dites Père ». Mais combien sont les chrétiens qui appellent Dieu « Père » dans leur prière. On entend plutôt « Eternel, El shaddai, l'Eternel des armées ...». Frères, celui qui est incapable d'appeler Dieu Père manifeste qu'il n'est pas fils de Dieu ou encore manifeste que Dieu est trop grand pour être son père. Dès lors sa relation à Dieu aura une dimension tronquée, elle ne sera pas épanouie et libre.
Frères et soeurs, un président a beau être puissant, quand il rentre chez lui à la maison, son fils l'appelle papa et non Mr le Président. Il doit en être de même du chrétien qui est fils. Les autres peuvent donner des titres à Dieu, mais pour le chrétien le nom par excellence, c'est Père. Car Dieu est son parent.
« Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète ». Oui, depuis Jésus, Dieu s'est fait proche. Et cette proximité nous ne devons jamais l'oublier dans chaque situation de notre vie. Car bien souvent, on va chercher Dieu au loin, derrière les océans alors qu'il est juste à côté de nous. D'autres vont chaque année loin pour des pèlerinages chercher Dieu ou le rencontrer alors que chaque dimanche, ils n'éprouvent même pas le besoin de venir le rencontrer à la messe ; ou même ne passent jamais à la grotte ou à la chapelle d'adoration.
Ces personnes peuvent-elles dire que c'est Dieu qu'elles vont rencontrer ? N'est-ce pas plutôt du tourisme qu'elles font ? Car je sais que beaucoup de chrétiens pensent que le Dieu qui est à Bon Pasteur ou dans mon petit village d'Ingrakon a moins de valeur que le Dieu qui se trouve à lourdes ou à Jérusalem. Ils sont donc toujours porter vers l'extérieur. Or Dieu n'est jamais loin, c'est nous qui nous éloignons de lui en le cherchant là où il ne se trouve pas.
Oui, nous avons tous besoin de changer notre manière de concevoir Dieu. C'est à cette seule condition que nous pourrons véritablement nous consacrer à lui sans partage comme nous le recommande saint Paul dans la 2nde lecture.
Que cette eucharistie nous aide à ne pas rechercher Dieu au loin mais plutôt en nous et autour de nous afin de nous consacrer entièrement à son œuvre maintenant et au siècle des siècles.